Église dominicaine Saint-Pierre-Martyr, Candie / Candia (Héraklion / Ηράκλειο)
L’église dominicaine Saint-Pierre-Martyr fut fondée dans la partie nord-ouest de Candie, l’actuelle ville d’Héraklion, près de la muraille maritime, sous l’archiépiscopat de Giovanni Querini (1247-1252) à la suite d’une donation de terrain par les autorités vénitiennes à l’ordre mendiant. Elle devint alors l’église du plus important couvent dominicain de Candie dont les vestiges côtoient aujourd’hui ceux d’autres bâtiments datant de la période byzantine[1]. Sa consécration eut lieu peu de temps après la canonisation en 1253 de saint Pierre de Vérone, dominicain, inquisiteur et martyr.
À l’origine, l’église comportait une nef unique couverte d’un toit en charpente se terminant par un chœur à chevet plat encadré par deux chapelles rectangulaires à étage. Il s’agit là d’une particularité architecturale sans équivalent en Grèce. Le chœur abritait, en son centre, le maître-autel auprès duquel furent aménagés une piscine et des sedilia (sièges réservés à l’officiant et à ses acolytes), encore visibles sur le mur sud. Les séismes de 1303 et 1306 ont provoqué d’importants effondrements, conduisant à des transformations majeures aux XIVe et XVe siècles. Parmi ces modifications, on compte la suppression du transept et l’ajout de chapelles couvertes en croisée d’ogives le long des murs nord et sud de la nef[2]. Vers 1400, ces espaces annexes ont été ornés de fresques de tradition byzantine.
Les fragments les mieux conservés se trouvent dans la partie méridionale de la nef, sur les murs de la troisième chapelle en partant de l’est. Ils représentent, dans la partie inférieure du mur nord, une série de portraits de saints en pied, alignés sous des arcades et désignés par des inscriptions en latin. Au centre, saint Dominique est flanqué à sa gauche par sainte Catherine et, à sa droite, par une figure endommagée identifiée à saint Jean-Baptiste, dans un programme iconographique dominicain bien établi, notamment dans les retables et polyptyques italiens. Toutefois, la présence de Constantin le Grand et de sainte Hélène encadrant la Vraie Croix, à l’extrémité droite de cette rangée, constitue une innovation. Ces figures côtoient une Vierge Platytera portant l’Enfant inscrit en médaillon sur sa poitrine, peinte sur la voûte, ce qui confirme l’intervention d’un atelier local suivant la tradition byzantine[3].
Le récit de voyage du pèlerin Pierre Barbatre, de passage à Candie en 1480, évoque la présence d’une icône de la Vierge présentant une inscription en latin. Le panneau peint a été rapproché de l’œuvre d’Andreas Ritzos, peintre crétois du milieu du XVe siècle connu pour sa capacité à travailler pour des Latins[4]. En juin 1653, le frère capucin Luca de Spalatro décrit deux images situées dans la sacristie, représentant saint Dominique et saint François s’embrassant. Cet espace, situé au nord de l'église, s’est effondré lors du séisme de 1810. Il a été entièrement reconstruit. Des reliques des saints Dominique et Thomas d'Aquin étaient conservées dans l’église[5].
De nombreuses tombes sont réparties à l’intérieur et à l’extérieur de l'édifice. Elles accueillaient, dans leur grande majorité, plusieurs corps inhumés avec divers objets. La forme et le décor sculpté de certaines installations funéraires témoignent du statut des défunts et de l’importance du couvent[6]. En effet, ce dernier abritait les sépultures de plusieurs ducs de Crète et membres éminents de la noblesse vénitienne, tels que Marco Gradenigo, Giovanni Morosini, Filippo Dorio et Marino Grimani[7]. Jusqu’au XVIIIe siècle, l’établissement recevait un don annuel de 25 hyperpères du Maggior Consiglio afin d’assurer la tenue de synodes de l’ordre dominicain. Parmi les frères italiens résidant sur place, tous n’étaient pas originaires de Venise, mais provenaient aussi bien de Lombardie que de Calabre. On note aussi un recrutement de frères d’origine grecque, comme l’attestent les noms de Marcus de Candie, Guido de Negroponte, Marcus de Negroponte, Johannes de Negroponte, Franciscus de Chanea, Antoniolus de Glarenza[8]. En 1669, après la conquête ottomane, l’église fut transformée en mosquée dédiée au sultan Ibrahim Han.
[1] Georgopoulou 2001, p. 135-141 ; Delinikola, Chronaki et Kalomoirakis 2008, p. 430.
[2] Sur l'architecture de l'église, voir Panagopoulos 1979, p. 87-93 ; Olympios 2022, p. 52-60.
[3] Sur ses peintures murales, voir Foskolou 2022 ; Tsougarakis 2022.
[4] Dermitzaki 2021, p. 220.
[5] Χρονάκη, Καλομοιράκης 2004, p. 124 ; Dermitzaki 2021, p. 219 ; Delinikola, Chronaki et Kalomoirakis 2008, p. 432.
[6] Κανάκη, Μπιλμέζη 2012, p. 348-350.
[7] Gerola 1905-1932, vol. 2, p. 125.
[8] Tsougarakis 2012, p. 184.
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