Bastion Martinengo, Famagouste
Situé à l’angle Nord-Ouest de l’enceinte des Lusignan, le bastion remplace la tour Maruffi et une portion des murs francs situés sur une partie saillante particulièrement exposée à des tirs d’artillerie. D’abord baptisé du nom du saint protecteur de Venise, San Marco, le bastion prend finalement le nom du comte Ercole Martinengo, lorsque ce dernier meurt sur le chantier qu'il dirige, fin décembre 1560.
La genèse du projet semble remonter aux années 1540, lorsqu’on mentionne d’importants travaux d’élargissement du fossé en prévision de la construction du bastion ; en 1547, 1048 passa quadri (5500 m3) de roche ont déjà été excavés, sur une longueur de 600 passa (1 km). Après ces travaux préparatoires, le bastion est dessiné sur le modèle de prototypes italiens, sans doute par Giangirolamo Sanmicheli, qui examine l’enceinte de Famagouste à deux reprises, une première fois durant l’été et l’automne 1548, la seconde fois dix ans plus tard, lors d’une visite commencée en 1558 et qui s’achève par son décès et son enterrement en la cathédrale Saint-Nicolas, le 23 janvier 1560.
Quel que soit l’architecte à l’origine du plan initial du bastion, le Sénat arrête sa décision le 27 avril 1557, en envoyant à Famagouste la maquette des travaux à réaliser ; il ordonne aux officiers vénitiens de prélever pendant une durée de cinq ans une somme équivalente à 2000 ducats mensuels sur le budget général de l’île pour financer l’opération. Si l’on en croit Giulio Savorgnan, très critique sur les méthodes employées pour la construction de ce bastion, plus de 120 000 ducats sont effectivement consacrés à un chantier prolongé sur 10 ans. Les travaux, commencés au printemps 1558, sont pratiquement achevés en 1563, bien que des parapets manquent ; en fait, cinq années supplémentaires sont nécessaires pour compléter les courtines reliant le bastion à l’enceinte, pour déplacer les masses de terre dégagées hors du fossé.
Le bastion est défendu par deux faces de 95m de long, avec des flancs de 20m de large couverts par des orillons effilés ; deux crêtes de feu ont été aménagées : une haute d’infanterie sur la plate-forme, une basse d’artillerie. Plusieurs magasins, des placards à poudre, un puits servant de poterne sont rassemblés au niveau inférieur, accessible par deux rampes parallèles et un couloir curviligne. Le saillant des deux faces, traité en arrondi, laisse apparaître dans sa partie supérieure l’emplacement d’un blason désormais disparu. Un cavalier rectangulaire surmonte le bastion, en faisant le point le plus élevé de la forteresse vénitienne. Considéré comme « un des plus beaux bastions à l’italienne d’Europe » par Nicolas Faucherre, l’ouvrage a d’autant mieux résisté au temps qu’il a été épargné par les canonnades ottomanes en 1571, concentrées sur le Ravelin et la porte de Limassol.
Bibliographie
Sources
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Lien vers source : https://frankika.efa.gr/fr/node/4532
Grivaud, Gilles (éd.), Venice and the Defence of the Regno di Cipro. Giulio Savorgnan’s Unpublished Cyprus Correspondence (1557-1570). Including Ascanio Savorgnan’s Descrizione delle cose di Cipro from the Collections of the Bank of Cyprus Cultural Foundation, with the collaboration of Evangelia Skoufari, trans. from the French Joe Cunningham, Nicosie, The Bank of Cyprus Cultural Foundation, 2016, doc. n° 16, 26, 27, 28, 36, 68, 77, 78, 85, 113.
Voir en ligne : https://normandie-univ.hal.science/hal-02360521/document
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Études
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Voir en ligne : https://archive.org/details/cu31924028551319/page/n119/mode/2up
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