Église Saint-Georges / του Αγίου Γεωργίου, château franc de Géraki / Γεράκι
L’église Saint-Georges fut fondée au XIIIe siècle, dans l’enceinte du château franc de Géraki, siège de l’une des baronnies de la principauté de Morée[1]. Il s’agit de la plus grande des nombreuses églises implantées sur le site[2]. Son apparence actuelle, trois nefs de même hauteur se terminant par autant d’absides semi-circulaires, le tout précédé d’un narthex, est le résultat de deux phases de construction. À l’origine, l’édifice comportait deux nefs et était dépourvue de narthex. Après la reconquête byzantine, le mur sud primitif fut percé de deux arcades et une troisième nef fut ajoutée. Un narthex fut édifié devant l’ensemble des nefs[3]. La façade occidentale est percée de deux portes placées dans l’axe des nefs centrale et méridionale. Au-dessus de la première, une petite croix a été intégrée à la maçonnerie, tandis qu’au-dessus de la deuxième, se trouve un motif combinant un croissant de lune et une étoile. Le passage entre le narthex et la nef centrale s’effectue par une porte surmontée d’un arc brisé dont la clé présente un écu chargé d’un motif échiqueté.
Dans le naos, un ouvrage richement sculpté, longtemps considéré comme un proskynitarion, fut placé devant l’arc aveugle nord-est situé à l’entrée du bèma[4]. Il met en valeur un panneau peint figurant saint Georges à cheval terrassant le dragon, image commandée par le sébaste et tzaousios Isaakios, comme l’indique une inscription votive en grec[5]. Il s’agit très certainement d’un commandant de la garnison du château de Géraki après sa reprise par les Byzantins du despotat de Morée[6]. Le « monument », sculpté dans du poros (calcaire), prend la forme d’un édicule coiffé d’un gâble et reposant sur une plinthe. Si certaines parties sont très endommagées, un dessin de Ramsey Traquair, réalisé au début du XXe siècle, permet d’apprécier la richesse de son décor d’origine[7]. Au centre, deux paires de colonnettes jumelées et nouées soutiennent un arc trilobé. Hormis la plinthe de l’ouvrage, l’ensemble présente un décor ajouré destiné à recevoir des éléments rapportés. Parmi ceux-ci, on retiendra, dans les écoinçons, un motif de croissant de lune associé à des étoiles à gauche et, à droite, une fleur de lys accompagnée de quatre rosettes. L’aspect de cette dernière a été rapproché des éléments sculptés au monastère de la Péribleptos à Mistra[8]. L’ouvrage de Géraki a été attribué à « bon artiste grec » local par Antoine Bon[9]. L’ensemble de la composition est couronné d’un écu échiqueté brisé d’une bande. Comme celles visibles au-dessus de la porte menant à la nef centrale du naos, ces armes ont été attribuées à Guy de Nivelet, membre de la famille vassale des Villehardouin et seigneur de Géraki, mais des recherches plus récentes s’accordent sur une autre identification[10]. Ce motif héraldique apparaît également dans le décor peint, sur le bouclier de saint Georges figuré en pied sur le pilier nord-est du naos séparant les nefs nord et centrale. Le titulaire de ces armes serait Íñigo de Alfero, un chevalier hospitalier d’origine aragonaise présent dans le despotat de Morée en 1378 afin de solliciter le soutien de la despina Isabelle de Lusignan pour libérer le grand maître Juan Fernàndez de Heredia (1377-1396), alors captif des Ottomans. Vers 1378-1381, les Hospitaliers auraient embelli l’église de Géraki, fondée à l’époque franque (1204-1270), en lui ajoutant un narthex, une nef sud et un monument honorant un hospitalier mort au combat contre les Turcs[11].
Le décor peint de l’église fut exécuté en plusieurs campagnes, entre la perte de Géraki par les Francs et le XIVe siècle[12]. De tradition byzantine autant dans son style que son iconographie, il couvre uniquement les deux nefs d’origine et la partie du templon menant à l’autel. Parmi ces images peintes, on relèvera seulement le portrait en pied susmentionné de saint Georges qui conjugue des modèles issus du monde byzantin et de l’univers des Francs. Exécuté certainement au moment de l’embellissement de l’église par les Hospitaliers, le panneau figure le saint vêtu de ses habits guerriers et coiffé d’un diadème, attribut de son martyre. Son bouclier associe l’héraldique occidentale et un croissant de lune enfermant une étoile, motif iconographique rattaché au système emblématique byzantin dont les origines remontent à l’Antiquité romaine[13]. À l’instar de la structure embellissant la nef nord de l’église de Géraki, cette image exprimerait l’alliance militaire entre les Latins et les Grecs, union placée sous le patronage de saint Georges, personnage vénéré dans l’ensemble de la chrétienté[14].
[1] Pour des éléments contextuels, voir Traquair 1905-1906 ; Bon 1969 ; Gerstel (éd.) 2013.
[2] Sur les églises du château de Géraki, consulter Traquair 1905-1906 ; Panayotidi 1975 ; Δημητροκάλλης 2001.
[3] Sur l’architecture de l’église, voir Ορλάνδος 1927, pp. 348-349, fig. 12; Δημητροκάλλης 2001, pp. 42-45.
[4] Wace 1905, pp. 143-145 ; Bon 1969, pp. 593-598 ; Δημητροκάλλης 2001, pp. 75-82 ; Λούβη-Κίζη 2004.
[5] Sur l’incription votive, voir Ζησίου 1917, p. 40 ; Δημητροκάλλης 2001, pp. 70-71.
[6] Castiñeiras 2020, pp. 38-39.
[7] Traquair 1905-1906, pl. IV.
[8] Ξυγγόπουλος 1956 ; Melvani 2013, p. 24 ; Louvi-Kizi 2022 La rencontre..., pp. 57, 295-296, fig. 89a-c, 90a-c.
[9] Bon 1969, pp. 597-596.
[10] Sur la question des armoiries conservées dans l’église, consulter Wace 1905 ; Van de Put 1906-1907 ; Bon 1964-1965, pp. 92-95, fig. 3 ; Δημητροκάλλης 2001, p. 47 ; Λούβη-Κίζη 2004 ; Castiñeiras 2020, pp. 37-41, fig. 34-36.
[11] Gerstel 2001, p. 279 ; Λούβη-Κίζη 2004, pp. 120-124 ; Louvi-Kizi 2022 "Politics of Equilibrium...", pp. 404-405 ; Castiñeiras 2020, pp. 37-41, fig. 34-36.
[12] Sur le décor peint de l’église, voir Panayotidi 1975, p. 348 ; Δημητροκάλλης 2001, pp. 53-73 ; Gerstel et Kappas 2018, p. 184.
[13] Sur ce motif iconographique, voir Μουτσόπουλος, Δημητροκάλλης 1988.
[14] Gerstel 2001, p. 279 ; Castineras 2020, pp. 37-40, fig. 34-36.
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