Église Sainte-Sophie / της Αγίας Σοφίας / église dominicaine, Andreville / Andravida / Ανδραβίδα / Oléna / Olive
L’église Sainte-Sophie d’Andravida, capitale de la principauté de Morée aussi désignée Oléna ou Olive, fut construite au début de la domination franque. Bien qu'étudiée depuis le début du XXe siècle[1], la date de sa fondation et son histoire demeurent méconnues. Ni les sources littéraires (telles les différentes versions de la Chronique de Morée[2]), ni les fouilles archéologiques menées à petite échelle n’ont permis de déterminer avec exactitude sa date de construction et sa fonction de cathédrale de l’évêque d’Oléna/Olive. Selon Dimitris Theodossopoulos, seule une date approximative d’édification peut être fixée au milieu du XIIIe siècle, vers 1240-1259.
Située en milieu urbain non fortifié, dans la plaine d’Élide – aux côtés du palais princier, de l’église Saint-Étienne, de l’église et de l’hôpital Saint-Jean –, Sainte-Sophie d’Andravida, en tant que fondation monastique dominicaine et cour princière des Villehardouin, combinait des fonctions religieuses et civiques. Malgré son état de ruine, il s’agit de l’église latine la mieux conservée parmi celles édifiées dans la principauté. Seule sa partie orientale subsiste aujourd’hui ; il s’agit d’un chœur à chevet droit, flanqué de deux chapelles latérales, surmonté de voûtes sur croisées d’ogives. La nef et les bas-côtés de l’église ne sont préservés qu’au niveau des fondations, tandis que la partie occidentale se trouve aujourd’hui sous la rue Polytechniou. Plus grande que les églises de rite byzantin de la Morée franque, Sainte-Sophie adopte un plan basilical. La nef centrale, deux fois plus large que ses bas-côtés, était séparée par des colonnades à arcades. Selon les derniers relevés, elle mesurait environ 45,50 m de longueur par 18,85 m de largeur[3]. Antoine Bon estimait la longueur du chœur à 4,60 m et l’épaisseur des murs entre 0,90 et 0,95 m.
L’architecture de Sainte-Sophie répondait aux règles spécifiques de construction des ordres mendiants, en accord avec leurs coutumes et missions apostoliques basées sur l’austérité et la simplicité. Ainsi, les structures voûtées de l’église dominicaine, considérées comme des éléments coûteux, étaient-elles restreintes à l’abside, tandis que la nef était recouverte d’une simple charpente. Des matériaux locaux furent employés, tels que des pierres de taille antiques et des briques byzantines. L’agencement horizontal des blocs de calcaire et le remplissage des interstices par des pierres plus petites ou des fragments de briques, venaient renforcer la solidité de la structure.
Le chœur rectangulaire et ses deux chapelles latérales sont séparés par des murs pleins, délimitant ainsi trois espaces qui auraient pu abriter chacun un autel. La lumière pénétrait dans l’édifice grâce à des fenêtres aux formes romanes, étroites et hautes, et trois baies situées dans la partie orientale du chœur, dont celle du centre, large de 6,65 m, est surmontée d’un arc brisé. Quelques chapiteaux, décorés de feuilles disposées au bout de tiges, ornent le chœur. Des niches ont été insérées dans la chapelle sud et dans l’angle sud-est du chœur. Des remplois de motifs byzantins figurent aux départs des arcades reliant le chœur à la nef.
Si Sainte-Sophie est de style gothique, elle comporte plusieurs éléments issus de la tradition byzantine. En effet, bien que le plan de l’édifice et la voûte sur croisés d’ogives s’éloignent des pratiques liturgiques et de l’architecture locale grecques, les fouilles menées par Sheppard en 1985 ont révélé que les ouvertures de l’abside furent réduites lors de la dernière phase de conception franque. Cette transformation pourrait trahir un désir d’accentuer la délimitation entre la nef et le chœur telle qu’elle apparaît dans l’architecture religieuse byzantine. Outre les spolia, l’abside tripartite – convenant mieux aux rites orientaux – et l’usage d’une maçonnerie en briques au niveau des voûtes relèvent également de la culture byzantine. Ainsi, Sainte-Sophie d’Andravida est-elle le témoin d’échanges fructueux entre le patronage des Villehardouin, inspiré par l’architecture de Champagne et de Bourgogne ou du royaume angevin de Naples, et une main d’œuvre locale grecque.
[1] Bon 1969, vol. 1, pp. 93, 99, 167, 548-553, et vol. 2, pl. 10-21 ; Kitsiki Panagopoulos 1979, pp. 65-77 ; Sheppard 1986, p. 139 ; Georgopoulou 2005, pp. 208-209 ; Theodossopoulos 2010, pp. 1405-1407, 1410 ; Theodossopoulos, Veloudaki 2021, pp. 71-73 ; Olympios 2022, pp. 18-49 n. 6, 55.
[2] Pour la Chronique de Morée, récit relatant la conquête franque du Péloponnèse et le premier siècle de l’histoire politique de la principauté d’Achaïe, voir la notice qui lui est dédiée.
[3] Theodossopoulos, Veloudaki 2021, p. 74.
Bon, Antoine. La Morée franque : recherches historiques, topographiques et archéologiques sur la principauté d'Achaïe (1205-1430). Paris : De Boccard, 1969.
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Theodossopoulos, Dimitris et Veloudaki, Christianna. « The transmission of Gothic masonry vaulting technology to Greece, in the case of Saint Sophia in Andravida, Elis », Cultural Heritage and Science, 2021, vol. 2, n° 2, pp. 70-79.
Read online : https://dergipark.org.tr/en/pub/cuhes/is...