Famagouste (ateliers de potiers)
Des fragments de céramiques, des pernettes - trépieds de terre placés entre les coupes glaçurées lors de la cuisson pour limiter les collages et faciliter la charge du four -, des ratés de cuisson tout comme des nodules de cuivre utilisés pour la coloration en vert du vernis au plomb et une brique vitrifiée de la paroi d’un four, ont été recueillis sur un terrain au nord-ouest de la vieille ville de Famagouste, autour des églises de Sainte-Marie du Carmel et des Arméniens en face du bastion San Luca, ainsi que sur la rampe d’accès au bastion Martinengo. Les fragments apparaissaient en surface, par endroits, sur un sol récemment remué. Les éléments de paroi de four émergeaient du sol près du mur d’enceinte. Les artefacts faisaient sans doute partie de terres de remblais, dont il est difficile de déterminer l’origine exacte. Cependant l’histoire de l’occupation de ce secteur ainsi que son exploration archéologique, qui date de la fin du XIXe siècle et des premières décennies du XXe, nous permettent de proposer l’hypothèse selon laquelle un atelier de potiers se serait implanté dans cette zone entre la fin du XVe et la fin du XVIe siècle. Le style des céramiques retrouvées, proche des productions vénéto-padanes ainsi que les fragments de faïences et de Graffita d’Italie du Nord et de vaisselle de Lapithos, auxquelles étaient mêlées ces céramiques glaçurées à pâte claire, militent en effet en faveur du XVIe siècle.
Les biscuits sans revêtement ou engobés, les tessons glaçurés de même que les pernettes ont une pâte de couleur crème ou rose. L’observation de l’argile effectuée sur ces quelques pièces montre une pâte calcaire assez compacte qui présente des inclusions plus ou moins grossières de quartz, de micro-fossiles, des petits points rouges de fer ainsi que des inclusions noires. La glaçure plombifère, appliquée en couche fine, est tantôt colorée avec des oxydes de cuivre (couleur verte) tantôt avec des oxydes de fer (couleur jaune moutarde). Elle adhère bien au corps du tesson.
Les séries de forme identifiées sont aussi apparemment homogènes. Un premier groupe de coupelles est caractérisé par un bord éversé et une paroi marquée par une carène. La lèvre est effilée ou biseautée. La paroi extérieure est moulurée, dans l’esprit des productions vénéto-padanes. Une deuxième série est constituée de coupelles à panse hémisphérique, et lèvre dans le prolongement de la panse. Des pieds annulaires sont associés à ces formes. Une glaçure verte ou jaune moutarde est appliquée directement sur la pâte claire. Á l’extérieur, sur une peau blanchâtre, la glaçure couvre le bord et s’étire parfois en coulures jusque sur le pied. De rares fragments portent des traces d’engobe blanc. Parfois, l’intérieur des coupes est orné d’un décor géométrique sommaire incisé. Sur cette base divers fragments découverts à Potamia et Paphos pourraient se rattacher à cette production.
Compte tenu du renouveau de Famagouste à l’époque des Vénitiens, il est vraisemblable que l’implantation d’ateliers de potier ait été encouragée et favorisée par les nouveaux maîtres de la ville. Ceci expliquerait les parentés typologiques qui existent entre la production bas de gamme de Famagouste et les céramiques vénéto-padanes de la même époque.
Bibliographie
Vallauri, Lucy, François, Véronique. « Famagouste : indices d'une production de vaisselle à l'époque vénitienne », Cahiers du Centre d’Etudes Chypriotes, 40, 2010, pp. 259-310. https://shs.hal.science/halshs-00752191/