Église de l'Archange-Michel / του Αρχαγγέλου Μιχαήλ, Pedoulas / Πεδουλάς
L'église de l'Archange-Michel à Pedoulas a été fondée en 1474 par le prêtre Basileios Chamados[1]. Un panneau dédicatoire le montre, au-dessus de l’entrée nord, offrant le modèle de son église au saint titulaire. Le fondateur est suivi de sa femme et de ses deux filles en prière. L’artiste responsable des fresques, un certain Minas de Myrianthoussa, a laissé son nom au-dessus de la porte ouest du naos et sur une icône de la Vierge Hodighitria, conservée au Musée byzantin de Pedoulas et autrefois placée entre les colonnes du templon. L'église a sans doute été conçue comme une chapelle familiale. En plus d’avoir conservé l’intégralité de son décor peint, elle possède son templon d’origine, l’une des plus anciennes clôtures de sanctuaire en bois non seulement de Chypre, mais de l’ensemble du monde orthodoxe[2]. La corniche projetée de ce mobilier liturgique figure les armoiries des Lusignan et un aigle bicéphale dans les compartiments placés au niveau des portes menant au bèma. Deux planches en bois peintes de lions rampants inscrits en médaillons et de motifs végétaux, déposées au Musée médiéval de Limassol, proviennent de la charpente d’origine de l’église de Pedoulas. Ces ouvrages en bois peint, présentant des analogies évidentes avec les plafonds, tribunes et stalles réalisés en France, en Espagne et en Italie entre la fin du Moyen Âge et le début de l’époque moderne, constituent un reflet précieux de l’art des demeures médiévales de Chypre, aujourd’hui totalement évanoui, qui était probablement partagé par l’ensemble des habitants de l’île. Les armoiries peintes sur le templon de Pedoulas exprimaient certainement l’allégeance du fondateur de l'église envers les Lusignan. Membre de l’élite grecque orthodoxe du Troodos, Basileios Chamados avait manifestement reçu des terres et/ou des revenus de la couronne. Quant à l’aigle bicéphale, il acquiert une valeur héraldique par son association avec le lion rampant des rois francs et le compartiment en forme d’écu dans lequel il s’inscrit. Le rapace trahit une volonté d’honorer la mémoire des derniers empereurs de Byzance et/ou de montrer une loyauté envers le patriarcat œcuménique. Symboles de puissance facilement identifiables, les emblèmes héraldiques de l’église de Pedoulas étaient sans doute un moyen, pour son fondateur, d’affirmer une insertion, réelle ou souhaitée, dans ce réseau de pouvoir, ce qui renforçait son propre prestige[3].
[1] Sur cette église peinte, voir Jeffery 1918, pp. 288-289 ; Σωτηρίου 1935, pl. 100-103, 147-148, 161 ; Παπαγεωργίου 1974, pp. 204-205, pl. XXXIV, 1-4 ; Garidis 1989, pp. 41-42 ; Στυλιανού, Στυλιανού 1996, pp. 1324-1328, pl. LXVIII-LXXI, fig. 77-80 ; Stylianou, Stylianou 1997, pp. 331-343 ; Christoforaki 1999, pp. 223-240, 267-270, no 10, pl. 106-119 ; Parani 2012, pp. 294-295, fig. 2 ; Perdikis 2015 ; Meyer-Fernandez 2022-2023 ; Meyer-Fernandez à paraître.
[2] Sur ce mobilier liturgique, voir Jeffery 1918, pp. 288-289 ; Σωτηρίου 1935, pl. 147-148 ; Gunnis 1936, p. 371 ; Rudt de Collenberg 1977, p. 99 ; Στυλιανού, Στυλιανού 1996, pp. 1365-1366, pl. CXXXVIII-CXLI, fig. 161-167 ; Stylianou, Stylianou 1997, p. 341 ; Φεραίος 2009, pp. 179, 324, fig. 142 ; Grivaud 2007, pp. 261-262 ; Παπαγεωργίου 2013, pp. 124-125 ; Perdikis 2015, pp. 28-34 ; Meyer-Fernandez 2022-2023 ; Meyer-Fernandez à paraître.
[3] Pour cette interprétation du templon de Pedoulas, voir Meyer-Fernandez 2022-2023.
Christoforaki, Ioanna. Patronage, Art and Society in Lusignan Cyprus (c.1192-c.1489). thèse de doctorat. Oxford University Trinity, 1999.
Garidis, Miltos. La peinture murale dans le monde orthodoxe après la chute de Byzance (1450-1600) et dans les pays sous domination étrangère. Athènes : C. Spanos, 1989.
Grivaud, Gilles. « Les Lusignan patrons d’églises grecques », Byzantinische Forschungen, 2007, vol. 29, pp. 257-269.
Voir en ligne : https://archive.org/details/byzantinisch...
Gunnis, Rupert. Historic Cyprus: A Guide to Its Towns and Villages, Monasteries and Castles. Londres : Methuen & Co., 1936.
Jeffery, George. A Description of the Historic Monuments of Cyprus: Studies in the Archaeology and Architecture of the Island, with Illustrations from Measured Drawings and Photographs. Nicosie : J. Archer, 1918.
Meyer-Fernandez, Geoffrey. « Un fondateur grec sous le règne des Lusignan : le ktitor de l’Archange-Michel à Pedoulas (1474) », Cahiers du Centre d’Études Chypriotes, 2022-2023, vol. 52-53, pp. 349-386.
Voir en ligne : https://journals.openedition.org/cchyp/1...
Meyer-Fernandez, Geoffrey. Commanditaires et peintres à Chypre sous les Lusignan (1192-1474) : images d'un royaume multiculturel. Athènes : École française d'Athènes, à paraître.
Parani, Maria. « Le royaume des Lusignan (1192-1489) : la tradition byzantine », dans : Durand, Jannic, Giovannoni, Dorota et Mastoraki, Dimitra (éd.), Chypre entre Byzance et l’Occident, IVe-XVIe siècle, Paris, musée du Louvre (28 octobre 2012-28 janvier 2013), Paris : Somogy, 2012, pp. 293-301.
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